Parlez-vous Benesh ?

Avr/Mai/Juin 2017

Le cirque a une nouvelle corde à son arc ! Grâce au travail de longue haleine de l’artiste aérienne et acrobate Kati Wolf, les premiers « Carnets de notation Benesh pour les arts du cirque » viennent de paraître. Benesh ? Quesaco ? Leçon de décryptage, sans complexes en six cases.

©Laurent Ancion

©Laurent Ancion

  1. C’est quoi, « Benesh » ?

Ni Dieu hindou, ni onomatopée, la « Notation du mouvement Benesh » (parfois aussi appelée choréologie) est un savant système d’écriture permettant de noter tout mouvement humain dans l’espace-temps.

 

 

 

©Laurent Ancion

  1. Qui a eu une idée pareille ?

Le mathématicien et musicien Rudolf Benesh, inspiré par sa femme Joan, danseuse classique. Lassé de la voir accumuler écrits et abréviations pour mémoriser ses chorégraphies, Rudolph déclare que cet art visuel doit disposer de sa propre écriture, comme c’est le cas pour la musique ! Il se met rapidement à l’œuvre et, en quelques années, invente une grammaire inspirée des partitions musicales. Le système Benesh est enregistré à Londres en 1955 et sera présenté en 1958 à l’Exposition Universelle de Bruxelles parmi les découvertes majeures de la science et de la technologie.

 

©Laurent Ancion

 Comment ça marche ?

La notation Benesh prend en compte quatre paramètres : le corps, le mouvement, le temps et l’espace. Le corps en mouvement est divisé en cinq zones, figurées par cinq lignes de portée. Pour chaque étape du mouvement, une série de points, lignes et croix indiquent la position de chaque extrémité et articulation du corps dans l’espace. Cette suite de poses se lit de gauche à droite sur la portée et déroule une succession de pictogrammes qui décomposent le mouvement le long de la ligne du temps.

 

©Laurent Ancion

  1. A quoi ça sert ?

À garder une trace écrite du mouvement dansé ou joué qui soit compréhensible par toute personne initiée au système de notation. Ainsi, telle une partition de musique, une « partition » Benesh devient un support de travail et de recherche neutre et accessible à tout artiste capable de la déchiffrer.

 

©Laurent Ancion

©Laurent Ancion

  1. Qui l’utilise ?

Outre la danse, Rudolph Benesh souhaitait appliquer sa notation à toute forme de mouvement humain. Le système sera testé dans le domaine de l’ergonomie, de la médecine, de l’anthropologie,… De nos jours, cette notation est principalement utilisée par certaines compagnies de danse, où les notateurs font partie intégrante de l’équipe artistique. En un peu plus de 50 ans, la notation Benesh a enregistré un patrimoine qui s’étend du XVIIIe siècle à nos jours et rassemble les œuvres de plus de 250 chorégraphes.

 

 

©Laurent Ancion

©Laurent Ancion

  1. Et le cirque dans tout ça ?

Quelques artistes ont développé leur système de notation personnel ; parmi les jongleurs, certains utilisent notamment la notation « siteswap ». Mais la notation Benesh y est encore peu répandue. Cependant, cela pourrait changer ! Convaincue que ce système peut contribuer à la communication écrite des gestes et mouvements circassiens et à la création d’un patrimoine des arts du cirque, l’acrobate Kati Wolf a conduit ses propres travaux pour adapter la notation au cirque. Elle a notamment retranscrit le numéro de trapèze Mobile Homme de la Compagnie Transe express et Le Grand C, spectacle acrobatique de la compagnie XY. En attendant que les premiers pionniers bruxellois du Benesh se manifestent, on pourra toujours se pencher sur ses premiers carnets, qui viennent de paraître. Le cirque de demain parlera-t-il Benesh ? L’avenir nous le dira !

 

Les premiers carnets de notation de Kati Wolf sont disponibles auprès du centre de ressources documentaires du Cnac (Centre National des arts du cirque), 1 rue du Cirque, 51000 Châlons-en-Champagne, France) ou sur demande à cyril.thomas@cnac.fr.

Tags :

Le funambulisme

Le rêve d’envol, l’illusion de la maîtrise du vide, le mouvement constant, le déséquilibre permanent, l’envie de hauteur et le fil comme métaphore de la vie, voilà tout ce à...

Les Idées Grises Par la Compagnie Barks

Le centre de formation astronautique de la Nasa peut aller se rhabiller. Avec Les Idées Grises, la Compagnie Barks défie toutes les lois de la physique sans même recourir à…

À nos fantômes Par la Compagnie Menteuses

Tombée du ciel dans un cri glacial, une jeune femme gît sur le sol. Paressant tranquillement sous un arbre, allongée sur un rocher, Gloria se lève et s’en approche. La…

Soledad, d’ici et de là-bas

À lui seul, son nom fait chanter les continents. De père péruvien et de mère belge, Soledad Ortiz de Zevallos Brouyaux a deux pays dans le cœur… et dans ses...

De l’espace et du possible

On vous en parlait il y a quelques numéros : les hauts lieux du cirque bruxellois ont une brique dans le ventre. Après les grands travaux, voici les grands déménagements, à...

Comme une image

Créer un spectacle, c’est aussi le faire connaître. Affiches et flyers se combinent aujourd’hui aux sites internet et aux réseaux sociaux, ouvrant des perspectives nouvelles. En mots, vidéos et envies...

Coup de théâtre pour le cirque

Le cirque contemporain est de plus en plus présent dans nos salles de théâtre. Les programmateurs lui témoignent un intérêt exponentiel… et le public en raffole. Preuve de l’évolution d’un...

Choc des blocs et dialogue est-ouest

On ne se forme pas tout seul : en cirque, comme dans bien d’autres domaines, la transmission est le principal canal d’apprentissage. Mais entre générations, on n’a pas toujours la même…

De la sciure dans la rétine

Une piste ronde, un lion, un athlète sautillant, une trapéziste, de la sciure. Certains clichés ont la dent plus dure qu’une panthère noire. 250 ans après l’invention du « cirque moderne »...

Sam Touzani

Véritable homme-orchestre, Sam Touzani, né à Bruxelles en 1968, est auteur, comédien, danseur-chorégraphe, metteur en scène – et fut animateur télé. Venu au théâtre à 12 ans grâce à sa...

Naviguez dans le numéro

L'auteur.e de l'article

Catherine Makereel

Journaliste indépendante (Le Soir).