Avr/Mai/Juin 2017

Véritable homme-orchestre, Sam Touzani, né à Bruxelles en 1968, est auteur, comédien, danseur-chorégraphe, metteur en scène – et fut animateur télé. Venu au théâtre à 12 ans grâce à sa prof de français, il n’a plus jamais quitté la lumière. En collectif ou en solo, ses spectacles allient révolte et optimisme. Son dernier one man show, Liberté, égalité, Identité, chahute les tabous et s’inquiète face à la montée de l’intégrisme. Ce « libertin libertaire » se définit comme un électron libre, farouche défenseur des droits humains, militant laïc et féministe.

« La première image qui me traverse l’esprit lorsque je pense à l’art du cirque… c’est un corps poétique en mouvement. Je vois un corps de femme ou d’homme en suspension dans l’air. Ou, peut-être, un contorsionniste qui se replie sur lui-même, appuyé d’une main sur la tête d’un complice, comme en lévitation languide. Pour moi, quelle que soit la forme proposée, le cirque est d’abord une performance qui défie les lois de la physique et qui fait plonger le spectateur dans une tension émotionnelle sans égale. Le risque d’une chute est omniprésent. C’est au millième de millimètre que la moindre action se règle. Impossible de tricher, tout se fait à vue. Le cirque est à l’art ce que la maxime est à la littérature : un minimum de mots pour un maximum d’idées. Un condensé du meilleur des arts de la rue, du théâtre, de la danse, de la musique au service d’une discipline de prédilection qui, à force de travail, d’énergie et d’ambition créative, se transforme en une création unique.

Le cirque Amar ou celui des Frères Bouglione ont certes émerveillé mon enfance. Je m’en rappelle un peu comme lorsque l’on tombe sur une vieille photo familiale d’un grand-père ou d’une arrière grand-tante qu’on ne connait pas vraiment mais avec qui on se sent lié malgré nous. En revanche, le cirque actuel m’émeut au plus haut point. Il garde toute la force poétique du passé en réinventant le présent. Il nous propulse dans la plus belle des contrées, celle qu’on appelle « Imagination ». Son énergie presque organique sollicite nos cinq sens, pour ouvrir vers une quatrième dimension. Aujourd’hui, le cirque est en perpétuelle recherche donc en mouvement, comme dans un tourbillon créatif.

Il y a quelque chose dans l’univers circassien de l’ordre de l’indicible, qui me semble profondément fragile et – oserais-je le dire – tragique même. Un peu comme notre existence dont on mesure à chaque instant la finitude. C’est sans doute ce qui fait sa force et sa beauté. Les artistes du cirque, c’est d’abord ceux qui nous inspirent, qui nous invitent à la rencontre de ce désir violent qui est à l’origine de tout : le risque ! Franchir la ligne, combattre ses propres peurs pour se dépasser, apprivoiser son corps, le connaître, le maitriser et enfin offrir en partage la forme la plus pacifique et la plus intelligente de résistance à la déshumanisation du monde. »

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L'auteur.e de l'article

Laurent Ancion

Laurent Ancion est rédacteur en chef du magazine « C!RQ en Capitale ». Critique théâtral au journal « Le Soir » jusqu'en 2007, il poursuit sa passion des arts de la scène en écrivant des livres de recherche volontiers ludiques et toniques. Il est également conférencier en Histoire des Spectacles au Conservatoire de Mons et musicien.