Avr/Mai/Juin 2018

Dominique Abel et Fiona Gordon se rencontrent à l’École Jacques Lecoq, à Paris, en 1980. Le duo belgo-canadien s’installe ensuite à Bruxelles. Ensemble ou avec d’autres, Abel & Gordon créent six spectacles burlesques qui tournent un peu partout dans le monde. Dès 1994, ils passent à la réalisation. Leurs longs-métrages (« L’iceberg », « Rumba », « La fée » ou, tout récemment, « Paris pieds nus ») confirment et développent leur univers hors pair.

« Tout récemment, lors d’un entretien pour la télévision, un journaliste qui connaissait notre amour pour les gags physiques nous a demandé si on pouvait faire quelque chose de drôle avec les tabourets sur lesquels on était assis. On était désolés de ne pas pouvoir dire oui. Pour nous, les gags, les bêtises, sont drôles dans un contexte. Ce n’est pas tant le gag mais une façon de le faire, le choix du moment aussi. Et puis, l’improvisation est importante, mais après, on perfectionne, on cisèle, on épure pour faire ressortir la poésie et le rire.

À travers nos lunettes de clown, nous observons la vie par ses mouvements, ses formes, ses couleurs, conscients que chaque geste, chaque attitude peut raconter une histoire. Confiants que le corps possède un langage et une intelligence qui échappent à notre cerveau, nous le laissons parler. Le jeu physique peut créer des ponts qui relient directement l’imagination de l’artiste à celle des spectateurs, court-circuitant l’analyse ou les schémas intellectuels. En titillant les sens du public, nous espérons toucher en eux un endroit profond.

Petits-enfants des artistes de music-hall, du cirque, du cinéma muet, ce qui nous lie au monde du cirque d’aujourd’hui est le désir de mettre en avant, de manière simple et directe, l’être humain dans sa vitalité et sa fragilité, indissociables.

Quand nous étions jeunes, le cirque était basé sur l’exploit, le danger. Il y avait une musique très pêchue, des animaux, des paillettes,… Dans les années 80, on a découvert des compagnies qui proposaient des spectacles plus personnels, osant réduire la jauge, donnant du temps aux numéros moins spectaculaires a priori, mais époustouflants parfois dans leur humanité. C’est ce cirque-là qu’on apprécie et duquel on se sent proche.

Ce cirque est en perpétuel mouvement. Dans les années 90, une surprise est venue du nord. Des artistes russes, avec grandes perruques, grand nez de clown, grandes chaussures et jeu extravagant, revenaient avec une approche oubliée qui dégageait une fraîcheur et une vitalité débordantes.

La forme évolue, mais l’être humain, du bout du petit orteil jusqu’au sommet du crâne, est toujours le vrai sujet. Les histoires sont souvent minimalistes, comme un café serré sur la nature humaine qui est déjà suffisamment comique et tragique sans qu’il faille en rajouter beaucoup. Mais faire moins, ça demande souvent beaucoup plus de travail. C’est peut-être pour ça qu’on a déçu notre journaliste…

 

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L'auteur.e de l'article

Laurent Ancion

Laurent Ancion est rédacteur en chef du magazine « C!RQ en Capitale ». Critique théâtral au journal « Le Soir » jusqu'en 2007, il poursuit sa passion des arts de la scène en écrivant des livres de recherche volontiers ludiques et toniques. Il est également conférencier en Histoire des Spectacles au Conservatoire de Mons et musicien.