Avr/Mai/Juin 2018

Pour créer Famille choisie, le Carré Curieux s’est appuyé sur la réalité des liens qui unissent ses quatre membres. Qu’est-ce qu’un groupe ? Comment vivre ensemble ? Un thème qui s’incarne dans une tournée sous chapiteau, avec familles et bagages ! Reportage en coulisses.

Soyons carré, rappelons les bases : Carré Curieux, c’est quatre gars presque inséparables depuis leur rencontre à l’Ésac au début des années 2000. Ce quatuor aux coins doux, c’est Kenzo Tokuoka (monocycle et acrobaties), Gert De Cooman (tissu aérien et mât libre), Luca Aeschlimann (jonglerie de balles) et Vladimir Couprie (jonglerie aux diabolo-toupies), mêlant sensibilités et disciplines dès 2007 avec un premier spectacle éponyme (Carré Curieux). Basé sur un schéma « Ensemble, c’est tout », il a marqué les imaginaires et s’est joué un peu partout. Puis chacun des gars a vécu sa vie, se retrouvant volontiers pour des spectacles en solo ou duo au sein de la compagnie, mais explorant aussi des voies personnelles. Des chemins libres, dictés par les aléas de la vie et une façon parfois différente d’envisager la création.

La formule magique « au carré » allait-elle pouvoir se réinventer ? Bonne nouvelle, aujourd’hui, plus de dix ans après leur premier succès, ils se retrouvent à quatre pour Famille choisie, spectacle né de leur expérience au quotidien. Soit eux, artistes qui, après la sortie de l’école et les premières scènes, ont rencontré leur compagne, sont devenus parents et ont mené leur bout de chemin sans jamais rompre le lien. Car même en dehors de leur pratique artistique commune, ce petit monde s’est organisé en famille… choisie. Une famille avec ses rites, ses rendez-vous, ses repas partagés, ses fêtes,… « Nous sommes quatre frères. Nous ne l’étions pas : nous le sommes devenus. Nos sangs se sont mêlés. Nos caractères se sont emmêlés. Certains disent qu’on ne choisit pas sa famille. Nous avons choisi », écrivent-ils en amorce de la création. La compagnie s’est inspirée de cette expérience de vie pour tricoter la dramaturgie de leur nouveau spectacle avec la metteure en piste Titoune Krall. Et plus encore : Famille choisie prend la route sous chapiteau, pour une nouvelle aventure itinérante. Compagnes, enfants, caravanes-studio et institutrice, il est un univers en tournée. Aperçu de l’expérience, en cinq mots et autant d’essentiels, avec Kenzo Tokuoka, un des angles du Carré.

 

Chapiteau

Après plusieurs spectacles pour l’extérieur (Entre nous, Petit frère, Ode à Lyoba), la toile rebat les cartes du Carré, en 15 mètres sur 15 ! « Le chapiteau permet une autre intimité avec le public, une exigence dans la scénographie, des possibilités de création de lumières, sans perdre la chaleur de la rue. Cet équilibre nous attirait », explique Kenzo. Avec un solide challenge : « On a mis trois ans à lancer le projet, non sans mal. Un chapiteau représente un coût, du temps, une logistique. Décider de créer un spectacle sous toile, c’est devenir architecte ! Pour nous, c’est plus qu’un chapiteau : c’est notre ‘Maison Curieuse’, dans laquelle on va inviter les gens. »

 

Famille

« Faire groupe » : le thème était déjà au cœur du premier spectacle du Carré Curieux. « Cette fois-ci, la question centrale, c’est : ‘Comment on en est là ?’ », précise Kenzo. « On est ensemble. On s’est choisi, mais on a tous les attributs d’une famille : rites, fêtes, moments obligatoires, joies et frustrations ! » Le spectacle évoque tous ces moments importants de la vie d’une famille et analyse comment on fait pour vivre ensemble. Une exploration circassienne bien sûr, mais d’un cirque choisi : « On retrouvera nos spécialités, diabolo-toupies, jonglerie d’objets improbables, monocycle, acrobatie aérienne, mais de façon parcimonieuse, il n’y aura pas de numéros mais plutôt des ‘instants’ de cirque ».

 

Personnalité

Fondatrice du Cirque Trottola avec Bonaventure Gacon, Titoune Krall est la metteure en piste du spectacle. « Titoune pratique un cirque accessible, réaliste et d’une grande exigence contemporaine », se réjouit Kenzo. Personnalité très requise du monde circassien en France, il n’a pas été facile pour la compagnie de la contacter, mais une fois que ce fut fait, le reste a coulé. Les artistes sont partis en résidence de « mots et d’essais » chez elle, dans la Drôme. Et c’est là que tout a débuté : la résidence a débouché sur cette collaboration pour Famille choisie. « Titoune est très attachée à la notion de transmission en cirque. Le thème est une vraie réalité avec elle. »

 

Retrouvailles

Lors de la rencontre avec Titoune, le Carré Curieux était… un triangle. Gert, engagé dans sa vie de famille, ne comptait pas jouer dans le spectacle. Il participait par contre à la création « hors scène » : artiste multi-tâches, il avait notamment construit les tables du décor. Au lendemain de la résidence chez Titoune, les quatre se retrouvent pour parler du projet. Le lendemain, Gert appelle les trois autres. S’il peut emmener sa famille sur le projet, il y participera, en piste. « Pour moi, c’est ça l’étincelle, c’est le moment où le Carré s’est reformé », nous dira Kenzo.

 

Itinérance

Fini de quitter le chez soi pour aller en tournée. Avec Famille choisie, c’est le « chez soi » qui va sur les routes, en caravanes. « On sera partout chez nous, on sera concrètement cette famille choisie. » Sublime métaphore dramaturgique d’un thème qui sert de terreau au spectacle puis le détermine physiquement. Une itinérance, bien sûr, ça s’organise : les enfants, qui ont entre trois et six ans, doivent être scolarisés. La troupe a fait un casting d’instit’ qui accompagnera la tournée et fera la classe aux kids. Les compagnes de nos quatre as, quant à elles, mènent leur projet personnel sur la tournée. La femme de Kenzo part ainsi avec une camionnette-studio de reliure.

www.carrecurieux.be

Création les 27 et 28 avril, 4 et 6 mai, sous chapiteau, à Latitude 50, 3 place de Grand Marchin, 4570 Marchin ; www.latitude50.be

Tags :

Innocence Par la Scie du Bourgeon

Tout en « Innocence », pureté et fraîcheur, Philippe Droz et Elsa Bouchez dialoguent corps à corps. Unis à la ville comme à la scène, les acrobates de la Scie du Bourgeon…

[MA] Par la compagnie Le Phare

Le respect de l’adversaire, voilà l’un des fondements des disciplines sportives, y compris quand elles relèvent des codes du combat. C’est cet antagonisme que développent Nilda Martinez et Christian Serein-Grosjean…

Strach, a fear song Par le Théâtre d’1 jour

On entre à pas de loups dans le petit chapiteau du Théâtre d’1 jour, on se répartit au hasard des bancs de bois qui entourent la minuscule piste, visages déjà…

PersonaPar le Naga Collective

Un petit peu de thé ? Assises autour d’une petite table de salon, quatre jeunes femmes s’échangent le réconfortant breuvage, du chocolat, une pomme et quelques amabilités. Un joyeux babil submergé…

Burning Par la compagnie Habeas Corpus

L’annonce d’un diagnostic n’est-elle pas déjà l’amorce d’une guérison ? Sans jouer les apprentis médecins, Julien Fournier élabore tout de même quelques planches médicinales, matérialisant dans Burning un monde du travail…

La contorsion

Fille de mauvaise réputation, âgée de plus de deux mille ans, la contorsion se fait rare en cirque contemporain. Associée à la douleur, elle intrigue autant qu’elle dérange et séduit...

L’Ésac sur le devant de la Senne

Hébergée pendant 24 ans au Centre scolaire du Souverain, à Auderghem, l’École supérieure des arts du cirque étrenne ses tout neufs bâtiments sur le campus du Ceria, à Anderlecht. Petit...

Le cirque à l’écoute

Les circassiens connaissent-ils la musique ? Faut-il avoir fait ses gammes pour imaginer la musique de son spectacle ? Sans devenir musicologues, les artistes de cirque ne doivent pas sous-estimer tout ce...

La (ré)partition des rôles

Se croisant depuis longtemps sur scène, cirque et musique se lovent pour nous raconter sans cesse de nouvelles histoires. Leur rencontre nécessite de longues heures de travail et de dialogue :...

Connaît-on la chanson ?

Unis depuis les origines de l’histoire humaine, comme nous la rappelle la chercheuse Loes van Schaijk, cirque et musique ont encore bien des choses à apprendre l’un de l’autre. Et...

Naviguez dans le numéro

L'auteur.e de l'article

Isabelle Plumhans

Journaliste FreeLance, Isabelle Plumhans (d)écrit la mode et la culture. Par amour des mots, entre autres.