Le cirque, cette autre famille

Chapiteaux, éléphants, trapézistes dénudées, nez rouges, roulottes voire monstruosités… S’il est un secteur dans lequel le cirque contemporain se fait discret, c’est en littérature jeunesse ! Le genre est à la pointe de la créativité graphique et narrative, mais il lui faudra encore un peu de temps sans doute pour sortir de l’image du cirque traditionnel. Pas de regrets, cependant, tant la chaleur et l’humanité des récits liés aux gens du voyage l’emportent sur l’air de l’art et du temps. Le cirque, pour l’enfance, évoque le rêve, l’évasion et surtout la possibilité d’une famille d’adoption. Une échappatoire salutaire, racontée par quelques livres choisis.

©Françoise de Guibert

Alexander Calder

Anne Cortey et Françoise de Guibert, Hatier jeunesse

La passion du génial sculpteur Alexander Calder pour le cirque fascine. Nul ne peut rester indifférent à l’univers aérien de fil, de fer, de chiffons, de boutons qu’il a créé au point de réaliser un cirque en trois dimensions, avec ses mécanismes ingénieux. Dans l’album qui lui est consacré, les auteurs déplient le chapiteau inventé par l’artiste américain où l’on peut admirer son avaleur de sabres, son clown, ses chevaux, son lion, son équilibriste et bien sûr Fanny, la danseuse du ventre.

©Ian Falconer

Olivia fait son cirque

Ian Falconer, Seuil jeunesse

Star de la littérature jeunesse, l’Olivia d’Ian Falconer, petite cochonne particulièrement expressive, se prépare pour aller à l’école. Elle doit y raconter ses vacances et s’imagine en vedette du cirque, en femme tatouée, dompteuse de lions, funambule ou clown, avant de devenir la reine du trampoline, comme au moment de se coucher. Sobre, noir, rouge et blanc, tout en humour et mouvement, l’album d’Ian Falconer traduit bien la puissance évocatrice du cirque dans l’imaginaire enfantin.

©Gabrielle Vincent

Ernest et Célestine, Au cirque

Gabrielle Vincent, Les Albums Casterman

N’ont-ils pas tout vu, tout vécu, tout tenté, ces chers Ernest et Célestine, personnages culte de Gabrielle Vincent ? Le cirque – et tout son univers – devait faire partie de leurs aventures tendres et sépia, avec toute la nostalgie qui l’accompagne. Lorsque le cirque arrive en ville, Célestine rêve d’y aller. Ernest, toujours aussi démuni, prétend avoir été clown et trouve un subterfuge pour y entrer gratuitement. Un album délicieusement subversif qui raconte à la fois la pression sociale et la magie du cirque.

©Elzbieta

L’écuyère

Elzbieta, Rouergue

Parmi tous les livres d’Elzbieta, immense auteure jeunesse, disparue en octobre de l’an dernier, L’écuyère reste le plus autobiographique. Marquée par l’exil mais surtout par la froideur de sa mère, Elzbieta imagine un bébé abandonné puis adopté par un cirque ambulant, une mamie nonette au nez rouge lui tricotant des pulls, un éléphant l’aimant tendrement… Mais un jour, ils doivent bien poursuivre leur route… Un album qui dénonce aussi les préjugés sur les gens du voyage.

©François Roca

Jésus Betz

Fred Bernard et François Roca, Seuil jeunesse

Incontournable, voici le magnifique Jésus Betz de Fred Bernard et François Roca, qui ont signé ensemble une vingtaine d’albums. Comment rester indifférent à la vie de cet homme-tronc ? Rejeté toute sa vie, il ne pourra rendre ni les coups ni les humiliations. Vigie, il sera exposé aux vents mais aussi, monstruosité, au regard des autres. Il touchera pourtant le cœur de Suma Katra, la belle trapéziste muette. Une ambiance Freaks sur fond de clair-obscur qui frise le chef d’œuvre.