C’est au Zomer van Antwerpen, cet été, dans un entrepôt désaffecté en pleine zone industrielle, que nous avons découvert Driften de Petri Dish. Un lieu qui collait à merveille à l’ambiance « Twin Peaks » d’un spectacle de cirque « à la dérive » (définition de Driften). Dans un appartement attaqué par une végétation vivace, voire vivante, les uns serpentent comme des lézards, les autres sont emportés par des tempêtes invisibles, les lits se transforment en mât chinois, les couples se reniflent, les conversations polyglottes se figent en Tour de Pise et les abat-jours clouent le bec aux pipelettes. Partie de scrabble ou dressage d’une table, rien n’est jamais comme on l’attend dans ce mélange de cirque, danse et théâtre, orchestré par Anna Nilsson (également en scène) et Sara Lemaire.
Souvent comparés à l’univers flamand de Peeping Tom, les spectacles de l’équipe creusent une même veine visuelle, faite d’étrangeté atmosphérique et de surréalisme corporel.
Ils sont sept sur scène, réunis le temps d’une nuit, le temps d’une fête aux allures sacrificielles, le temps d’un ultime combat contre le masque des conventions sociales. Dans sa note d’intention, la compagnie entend illustrer les paradoxes de l’homme postmoderne à la dérive. La démarche gagnerait peut-être à lâcher un peu de lest sur le bagage philosophico-conceptuel de la pièce pour explorer avec plus de simplicité nos contradictions humaines mais Driften recèle néanmoins un puissant imaginaire visuel, doublé d’un passionnant sens pictural de la composition. Il faut voir ces banquets empreint de décadence romaine, ces corps en lutte avec le papier peint, ces ballets éreintés en boîtes de nuit assassines, ces danseuses s’abîmant dans leur féminité à talons aiguilles : autant de tableaux baroques de notre Humanité déchirée. Il faut savoir lâcher prise dans ce maelstrom erratique, accepter de plonger sans amarre parmi cette assemblée d’individualités en lutte contre elles-mêmes, soucieuses de laisser une marque, si singulière soit-elle.
-> Vu le XXXX août 2016 au Zomer van Antwerpen, à Anvers.
Du 15 au 18/1 au Théâtre de Liège ; les 7 et 8/3 au festival Hors Pistes, aux Halles de Schaerbeek, Bruxelles.
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L'auteur.e de l'article
Catherine Makereel
Journaliste indépendante (Le Soir).