Il se baptise lui-même « l’unique cirque au monde pour les voyous ». Ses artistes sont des jeunes en difficultés. Le cirque Upsala, basé à Saint-Pétersbourg, impose sa foi dans la liberté, poil à gratter face aux autorités, tout en gagnant une reconnaissance internationale.
Tout a commencé il y a près de 20 ans, comme un pari. Le cirque peut-il être un tremplin vers l’autonomie et la liberté pour les enfants des rues ? Aujourd’hui auréolé d’un succès national, la compagnie Upsala est largement reconnue pour ses spectacles basés sur l’acrobatie, la danse hip-hop et la jonglerie. Âgés de 7 à 18 ans, les artistes qui s’entraînent sous son chapiteau, au nord de Saint-Pétersbourg, ont tous un point commun. Malgré leur jeune âge, ils ont connu un parcours de vie chaotique : orphelinats, délinquance, maisons de correction,… Upsala leur a permis de pratiquer la créativité, pour accepter le monde qui les entoure et trouver leur place à l’intérieur. « Tous les enfants et particulièrement les enfants à risque ont besoin de quelque chose d’intéressant qui leur donne de l’énergie et l’envie de changer leur vie », résume Larissa Afanassieva, la fondatrice. Et visiblement, ça marche !
Pour elle, l’intuition remonte à l’année 2000. Cette réalisatrice russe rencontre une étudiante allemande en sociologie, Astrid Shorn, qui travaille sur l’utilisation du cirque pour les enfants de milieux défavorisés. La compagnie Upsala a trouvé son principe et sa nécessité. « À cette époque, il y avait beaucoup d’enfants des rues à Saint-Pétersbourg », explique Larissa. Les premières années, les enfants rassemblés par l’équipe s’entraînent en plein air dans des parcs, dans des salles de gym, dans des cantines,… Grâce à des dons et à du mécénat, la compagnie acquiert son propre chapiteau. Le projet se professionnalise peu à peu. Par leur énergie explosive, les spectacles gagnent le cœur de spectateurs russes, pourtant habitués à un cirque plus traditionnel. La compagnie part régulièrement en tournée, allant jusqu’à se produire à Vladivostok (à l’autre bout du pays), mais aussi à l’étranger – comme à Edimbourg, en Écosse. « La clé de la réussite ? C’est la confiance en soi. Il ne faut pas avoir peur de soi-même », sourit Larissa. « Le cirque c’est la créativité. C’est un moyen de trouver en soi la force pour changer ! »
Cerise sur le chapiteau, Upsala a remporté l’année dernière le Masque d’or, le plus prestigieux prix théâtral russe, dans la catégorie « Expérience ». Une belle reconnaissance pour les jeunes artistes, et une confirmation de l’intuition première. Consécration ? « Il reste pas mal de chemin à parcourir », nuance la directrice. « Certains orphelinats par exemple ont du mal à accepter que leurs pensionnaires fassent du cirque. Nous apprenons aux enfants à être libres et cela fait parfois peur. Certains veulent seulement que ces enfants ne deviennent pas des délinquants, alors que nous, nous parlons de liberté et d’art. » Il en faudra beaucoup plus à Larissa pour se décourager : elle rêve ainsi d’ouvrir une école pour permettre aux artistes de la compagnie de poursuivre leur carrière dans leur pays. « Il n’y a pas encore beaucoup d’initiatives de cirque nouveau comme nous le pratiquons. Il faut soutenir l’émergence de cette nouvelle génération russe. »
Le site d’Upsla : www.upsalacircus.ru
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L'auteur.e de l'article
Laurent Ancion
Laurent Ancion est rédacteur en chef du magazine « C!RQ en Capitale ». Critique théâtral au journal « Le Soir » jusqu'en 2007, il poursuit sa passion des arts de la scène en écrivant des livres de recherche volontiers ludiques et toniques. Il est également conférencier en Histoire des Spectacles au Conservatoire de Mons et musicien.