Technicien de haute voltige

Jan/Fév/Mars 1970

Né à Schaerbeek, Vincent Schonbrodt exerce le métier de « rigger » au Brésil et ailleurs en Amérique latine. L’ancien trapéziste a mis sa passion des airs au service des circassiens sous les feux des projecteurs : c’est lui qui, dans l’ombre, assure leur sécurité.

Levez les yeux et observez le mouvement des trapézistes. S’ils se lâchent en toute liberté, c’est qu’ils se sentent en sécurité. Derrière les installations techniques se cachent de vrais acrobates, aux mêmes compétences aériennes que les artistes. C’est le travail du « rigger » Vincent Schonbrodt. Armé d’un baudrier, d’un casque et d’un gilet fluorescent, il escalade les échafaudages et monte les cordages pour les spectacles de cirque. Son métier spécifique à ce milieu provient de l’anglais « to rig », qui en français signifie tout simplement « installer ».

Le Schaerbeekois d’origine est installé à Rio de Janeiro où il a fondé sa propre compagnie de rigging. « J’exerce autant dans le monde du spectacle, que sur les plateformes pétrolières et avec les entreprises énergétiques », nous explique-t-il par-delà les océans. En ce moment, il est à Lima au Pérou, où il donne des cours aux techniciens du Cirque du Soleil. Il inspecte les gréements de l’entreprise canadienne. « Une fois par an, on vient vérifier leurs outils ».

La passion des hauteurs

À Rio ou au Pérou, Vincent est reconnu comme un rigger expérimenté. Une légitimité acquise après avoir parcouru presque toute la planète. Initié aux techniques aériennes à l’Atelier du Trapèze, à Bruxelles, il quitte sa Belgique natale à 20 ans pour étudier à l’Ecole Nationale de Cirque de Montréal. À la fin de sa formation, le jeune trapéziste part rejoindre l’équipe du spectacle « O » produit par le Cirque du Soleil à Las Vegas. Un accident du genou l’oblige à prendre un tournant dans sa carrière. Après une brève parenthèse dans le secteur de l’aviation, il atterrit dans les coulisses. « Le Cirque du Soleil m’a rappelé pour faire l’installation de leur show ‘KÀ’ présenté au MGM Grand à Las Vegas », explique-t-il. Très vite, le trapéziste reconverti profite de sa parfaite connaissance des airs pour s’imposer chez les voltigeurs de l’ombre. Vincent dirigera notamment une équipe de quinze riggers sur la tournée du spectacle « Corteo », toujours pour le Cirque du Soleil.

« Dans le monde du spectacle, beaucoup de riggers viennent de l’escalade. Ce serait dur de faire correctement ce métier avec le vertige ! », analyse-t-il. « On est parfois dans des théâtres de 60 mètres de haut. Quand il s’agit de forer un trou, suspendu à des cordages, c’est plus compliqué que sur une échelle. Mes capacités acquises en tant que trapéziste me servent en milieu acrobatique. Par exemple, savoir comment un être humain se comporte dans les airs permet de fabriquer un matériel ergonomique adapté ».

Après quinze années au service du cirque de Guy Laliberté, le globe-trotter a fini par se poser. « J’avais un emploi du temps très chargé, 80 heures par semaine. Il y a trois ans, j’ai voulu faire autre chose. J’ai alors créé ma propre compagnie, ‘Vertical Rigging Solutions’. J’avais aussi envie de me tourner vers l’enseignement. Il n’y a aucune école de rigger. On apprend sur le terrain. C’est pourquoi, dans nos formations, il y a des cours de sauvetage et de travail en hauteur, des cours pour éviter les chutes, etc. ».

Aujourd’hui à 41 ans, Vincent a donc mis de côté ses valises pour s’occuper de son nouveau bébé professionnel… et de sa petite fille brésilienne. Il aimerait faire partie de l’équipe technique pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Rio en 2016. Un prochain challenge pour ce rigger habitué à gravir les échelons sans frémir.

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