Sur la scène belge depuis 1989, Fatou Traoré a un parcours de danseuse et de chorégraphe. Passionnée par toutes les formes d’art, qu’elle aime à unir au plateau, elle s’est plusieurs fois frottée au cirque, avec une sensibilité et un succès indéniables, signant notamment les mises en scène de La syncope du 7 du Collectif AOC, Le vertige du papillon de Feria Musica ou It’s now avec les étudiants de l’Esac à Bruxelles.
« Le continent cirque m’est tombé sur la tête en 1998. Il a suffi d’un soir, au Festival d’Avignon. À cette époque, je travaillais sur le jazz et les énergies qu’il crée en rencontrant la danse. J’ai eu l’occasion de voir le travail de fin d’année du CNAC de Châlons-en-Champagne. J’étais super ringarde, j’avais dû rater une étape, je croyais encore que le cirque, c’était les lions. J’ai eu un choc merveilleux : tout à coup, je découvrais une partition en 3-D, alors que mon approche chorégraphique m’avait habituée à voir les choses au ras du sol. Le circassien, par rapport au danseur, avait une possibilité d’exploration de l’espace très particulière, multidimensionnelle, qui m’a immédiatement intriguée.
Depuis, j’ai travaillé à de nombreuses reprises avec des circassiens, que ce soit pour mettre en scène des spectacles ou dans le cadre scolaire, notamment au CNAC. Ce qui me passionne, c’est la question du mouvement. En danse, tout est basé sur le déséquilibre : c’est lui qui provoque le geste chorégraphique. En cirque, en apparence, c’est le contraire : tout doit tenir, être en équilibre. Le mouvement n’est pas le but. Ce qui compte, c’est l’arrivée, le tour de force en quelque sorte. Mon but est d’essayer que les circassiens apprécient le chemin. Comment fluidifier le mouvement ? Comment prendre du plaisir à aller d’un point à un autre ? J’ai voulu écrire le cirque comme si c’était de l’eau, alors que le genre renvoie plutôt à une image de solidité. Et j’ai vu que les circassiens adoraient cette recherche, comme si elle les soulageait d’une pression.
On demande aux circassiens d’être d’une solidité absolue, pour pouvoir supporter des choses qu’un être humain ne supporte habituellement pas. Ils vont au-delà de la douleur, comme s’il fallait désensibiliser une partie d’eux-mêmes. La danse peut les aider à revenir au sensoriel, à aborder la technique par l’imaginaire et pas seulement par la force. Le circassien n’est pas qu’un Titan ou un Hercule. Et s’il est coutumier du dépassement de soi, du jeu avec la mort, j’essaye de le rendre sensible par la peau, l’écoute, la fluidité.
En cirque, j’ai principalement travaillé avec des jeunes gens. Qu’est-ce que je peux leur transmettre ? L’envie de grandir et d’être responsables d’eux-mêmes – et pas de sortir tout cassés, usés avant l’âge. Ce métier est tellement dur : on est responsable de sa propre vie et de celle des autres, on vit parfois en caravane, à l’arrache, dans un quotidien partagé, en emportant le minimum. Le cirque, c’est très singulier. Il faut que la source soit douce et forte, à l’intérieur de soi. »
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L'auteur.e de l'article
Laurent Ancion
Laurent Ancion est rédacteur en chef du magazine « C!RQ en Capitale ». Critique théâtral au journal « Le Soir » jusqu'en 2007, il poursuit sa passion des arts de la scène en écrivant des livres de recherche volontiers ludiques et toniques. Il est également conférencier en Histoire des Spectacles au Conservatoire de Mons et musicien.