« La plupart des gens l’ignorent sans doute : mes premiers contrats artistiques, ce n’était pas comme cinéaste… mais comme clown ! J’ai commencé assez jeune, vers 17 ans, avec le Big Flying Circus, du côté d’Ittre, pendant l’été. Pour moi, tout a démarré là-bas. J’y ai travaillé avec Didier De Neck. Avec lui et d’autres amis, nous allions ensuite fonder le Théâtre de Galafronie et entamer une longue route… À 25 ans, Didier et moi avons notamment formé le duo « Riri et Fifi, les rois du rire ». Le principe : nous étions les deux clowns les moins drôles du monde ! Ce n’était que des gags ratés, ponctués d’accidents et conclus par la mort fatale d’un des deux protagonistes. Par essence, le clown est un personnage élastique, qui tombe sans se faire mal, comme une marionnette. Notre optique était de voir ce qui arriverait si on voyait du sang couler de dessous son chapeau… Ça devenait du clown pour adultes, cela va sans dire…
En parallèle, je réalisais mes premiers courts-métrages et je mettais en scène des spectacles pour enfants. Je pense que l’écriture que j’allais développer pour mes scénarios de film puise directement à cette source. Je suis probablement un circassien ! Quand tu sautes en parachute, tu pars à pied de ton point de chute. Pour moi, tout s’origine dans le cirque – y compris mes structures narratives. Qu’est-ce que le cirque ? On peut parler de réalisme magique. On assiste à des actions difficiles qui ont l’air faciles, traditionnellement entrecoupées par des clowns : de grands bébés qui ont tous les handicaps du monde, à qui il arrive tout ce qui nous fait peur. Le clown ne sait ni marcher, ni s’asseoir, ni chanter, ni jouer du violon. Mais il essaie. Entre grandeur et fragilité, ce sont bien sûr nos forces et nos faiblesses, nos rêves et nos peurs que le cirque interroge.
Par le cirque, mon écriture a trouvé d’autres chemins : la possibilité d’être moins narratif, de développer un récit qui fait jouer les résonances entre différents épisodes. Par essence, le cirque est polyphonique, il n’y a pas de personnage principal. C’est toujours l’aventure d’une « bande de gens ». Cela me touche. Ce sont des récits qui nous relient. Nous non plus, nous ne sommes pas des héros. Nous sommes plutôt des clowns. »
Bio XPRESS
Propulsé sur les écrans internationaux par la grâce de « Toto le héros » en 1991, Jaco Van Dormael fait partie des réalisateurs qui prennent le temps de l’alchimie parfaite, ne distillant leurs films qu’après plusieurs années de laboratoire. Sorti en 2015, « Le tout nouveau testament », son 4e long métrage, a connu un succès parallèle aux deux spectacles qu’il a créés avec la chorégraphe Michèle Anne De Mey et le collectif Kiss&Cry : « Kiss and Cry », puis « Cold blood », qui allient caméra et danse miniature pour un résultat bouleversant d’émotion.
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L'auteur.e de l'article
Laurent Ancion
Laurent Ancion est rédacteur en chef du magazine « C!RQ en Capitale ». Critique théâtral au journal « Le Soir » jusqu'en 2007, il poursuit sa passion des arts de la scène en écrivant des livres de recherche volontiers ludiques et toniques. Il est également conférencier en Histoire des Spectacles au Conservatoire de Mons et musicien.