Erwan se rit des frontières

Oct/Nov/Déc 2015

Bénévole pour Clowns et Magiciens Sans Frontières, le jongleur Erwan Gronier met son agilité au service d’enfants en détresse au quatre coins du monde. Le rire peut-il répondre à la peur, au désespoir ? A quelques semaines de son déménagement en Colombie, il y croit dur comme fer.

Kurdistan, Colombie, Bulgarie, Irak… Erwan en a fait des voyages derrière le masque de son personnage de clown. Le circassien part régulièrement en mission pour l’ONG artistique et humanitaire Clowns et Magiciens Sans Frontières. Le but de l’association ? Apporter un peu d’humour et d’émerveillement à des enfants dans des camps de réfugiés ou dans des quartiers défavorisés. « Le rire est la plus courte distance entre deux personnes », estime l’organisation, dont la section belge existe depuis 2001. « On veut donner des spectacles là où il n’y en a pas », résume Erwan, jeune artiste tout-terrain de 34 ans. « Moi, je ne suis pas fan du concept humanitaire à la base. Mais les yeux brillants des spectateurs, la reconnaissance, ce sont des choses qui me marquent ». C’est par le terrain qu’Erwan a bâti ses convictions.

Rien ne prédestinait ce Français originaire de Grenoble à sillonner le monde avec ses balles de jonglage et son nez rouge. Après des études en biologie, le jongleur amateur entend parler de la formation pédagogique de l’Ecole de Cirque de Bruxelles. « Je m’étais déjà essayé à l’animation en cirque, cela m’attirait ». L’envie de découvrir un peu plus le milieu circassien le pousse à s’installer à Bruxelles. II découvre tout un monde grâce à une formation à la fois pédagogique et artistique. « C’était très enrichissant. Trapèze, tissu, câble, acrobatie, jonglerie, expression corporelle, chant… A 25 ans, j’ai dû apprendre à faire la roue. Une bonne chose car j’ai vécu toutes les difficultés du débutant. Ça m’a aidé plus tard pour la pédagogie ! ».

L’art des relations humaines

A l’issue de sa formation, il monte une création collective avec des amis, « 300 papiers ». Un spectacle mêlant cirque, manipulation de papier, théâtre et rythmes. Cultivant sa fibre artistique, Erwan continuera à créer de courtes formes, en parallèle des cours de jonglerie qu’il donne à l’Ecole de Cirque. Attiré par l’Amérique latine, il économise pour sa première mission pour Clowns et Magiciens Sans Frontières en Colombie. Il part à Bogota. Une révélation. « Là-bas, je me suis rendu compte que je préférais ‘transmettre’ plutôt qu’être professeur au sens strict ».

Il revient, donne quelques représentations pour la compagnie française Tour de cirque avant de repartir, fin 2013 : direction le Kurdistan dans un camp de réfugiés syriens. Avec peu de matériel, les clowns travaillent sur ce qui nous rassemble, par la douce moquerie du rire. « On fait des choses assez simples, sans paroles, où les enfants peuvent participer. L’important, ce sont les relations humaines. A chaque fois, c’est la reconnaissance des gens qui m’impressionne ». Loin du confort d’une salle ou d’un festival, l’art du clown prend tout son sens d’« art vivant » : tout est possible, toujours en mouvement, unique et magique.

Malgré ses découvertes au Moyen-Orient, en Bulgarie, et au Venezuela, le cœur d’Erwan est resté en Colombie. Quatre voyages dans le pays en quatre ans. Il se prépare à aller vivre là-bas. « Les gens sont hyper motivés et très créatifs dans un contexte très dur de guerre civile et d’affrontements entre les guérillas et l’armée. Leur culture me passionne ». Le globe-trotter invétéré projette de monter une école de cirque à Medellin, « la deuxième ville du pays, passionnante d’humanité et de challenges ».

 

Infos sur Clowns et Magiciens Sans Frontières : www.cmsf.be

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